* Soirée d'appartement * (PV: tout le monde, famille royale, nobles courtisans, ministres...)

* Le premier bal donné en l'occasion de l'arrivée à Saint-Germain avait été un succès. Il fallait divertir la Cour, l'occuper afin de lui faire oublier quelque peu les désagréments et troubles causés par les récents décès assez inexplicables qui avait eu lieu à Versailles, et le Roy ne lésinait pas sur les moyens. A peine arrivés, les courtisans avaient eu droit à un bal et un festin, et voilà que quelques jours après, une soirée d'appartement chez le Roy était organisée. Tous les courtisans étaient conviés, cette soirée était d'ailleurs fort bien organisée, beaucoup de tables de jeu avaient été mises à disposition, ce qui ne manquerait pas d'arracher des soupirs de désapprobation à Mr Colbert.

Athénaïs de Montespan, pour sa part, était bien heureuse qu'une telle soirée soit prévue, car elle s'était prise, depuis quelque temps, de passion pour le jeu. Il fallait dire que même si elle perdait beaucoup, le Roy essuyait la dette, alors pourquoi s'en priver, n'est-ce pas? Elle aurait eu tort! Pour l'occasion, la belle marquise avait revêtue une robe de brocart bleue pâle, agrémentée de dentelles et de pierreries, tout en finesse et délicatesse, qui lui allait à ravir. Elle portait perles à son cou, ses oreilles et dans ses cheveux. Elle était belle à tomber, ne lésinant pas sur les efforts afin que l'on ne remarque qu'elle. Et puis c'était un minimum à faire en tant que favorite royale. Louis voulait que tous l'envie d'avoir à ses cotés une femme si belle et si rayonnante.

La soirée s'annonçait donc fort bien, chacun riait, jouait, buvait et y allait d'une petite anecdote amusante. Bref tout le monde semblait s'amuser et ne plus prêter attention, l'espace d'une soirée, aux tragiques événements qui avaient pu se produire dernièrement. Athénaïs était à une table de jeu, le Roy à coté d'elle, le Comte de Chalais en face d'elle, Lauzun à sa gauche. Elle se méfiait de ce dernier d'ailleurs qu'elle soupçonnait de tricherie. Mais elle n'allait pas l'accuser aussi ouvertement bien sûr... Elle attendait que ses amis de jeu misent avant de suivre. La partie était déjà bien avancée, et chacun avait déjà gagné et perdu plusieurs fois. Qu'allait-il advenir? Certains courtisans étaient venus afin de voir qui l'emporterait pour cette partie, avant d'aller jeter un oeil aux autres tables et participer à d'autres jeux. Cette soirée était bien sûr accompagnée d'une douce musique jouée par les musiciens assidus du Roy... Tout était fait pour être agréable.

Attendant la suite du jeu, Athénaïs but une gorgée de vin et reposa son verre sur un coté de la table avant qu'un serviteur ne vienne l'enlever afin d'en ramener un autre un peu plus tard. Elle jeta un oeil à Louis avec un sourire afin de lui demander implicitement son avis sur le jeu. Elle tenait les cartes dans sa main gauche, faisant bien attention à ce que Lauzin ne lorgne pas dessus, sa main droite était posée sur la cuisse de Louis, qui semblait un peu évasif. A quoi, ou à qui (!) pensait-il?*

Une soirée d'appartement : Lauzun ne s'était pas fait prier pour y prendre part et, puisque l'on y devait jouer, il n'avait eu aucun mal à obtenir de Mademoiselle les moyens de se divertir et de faire honneur à la soirée. Il avait revêtu pour la circonstance un habit de velours feuille morte brodé d'argent et de soie réalisé juste avant les réjouissances de St-Germain. Poudré, parfumé, il avait fait une entrée comme toujours théâtrale en compagnie de quelques personnes de qualité qui lui servaient de faire-valoir.

- Quel bonheur que de retrouver nos habitudes ! Je préfère laisser l'austérité à ma soeur, l'abbesse de Notre-Dame de Saintes ! Mes amis, ce soir je suis bien décidé à ne pas ménager ma peine ni ma bourse ! Je vous conterai plus tard, si vous le permettez, la suite des aventures dont nous parlions à l'instant.

Il avait salué avec des paroles enjouées le Roy et sa favorite, balayant du regard la pièce. Madame de Montespan l'avait convié à sa table et à prendre place à ses côtés. La marquise était rayonnante, et Lauzun comblé de faire partie du centre d'attention. Comme à son habitude, il se montrait d'humeur facétieuse et tentait de glisser un oeil sur le jeu de la favorite, laquelle visiblement n'était pas dupe... Comme par miracle, Lauzun avait d'abord beaucoup gagné et infligé, sous l'oeil courroucé de Colbert, de lourdes pertes à la marquise. Le Roy, pour sa part, semblait s'en amuser, ne manquant pas d'y reconnaître quelque tour de son courtisan le plus espiègle. Mais il fallait complaire à chacun et conserver l'attention de ceux qui s'étaient groupés autour de la table. Il fit donc en sorte de laisser gagner monsieur de Chalais et de perdre beaucoup à son tour, adressant à Sa Majesté des regards complices.

- Madame, lança-t-il à la marquise après avoir fait son annonce et d'un geste demandé qu'on lui serve un verre, il semblerait que la fortune tout à coup m'abandonne et que monsieur de Chalais ne s'apprête à me ruiner aussi ! Pourtant, si l'une de vos mains ne l'est point, l'autre me paraît avoir toutes les raisons d'être heureuse !

Il avait bien entendu remarqué où la main droite de madame de Montespan disparaissait. Et il savait qu'il pouvait se permettre ce qui aurait pu sembler inconvenant venant de toute autre personne.

* Louis avait lui aussi un très grand besoin de se changer les idées. Il avait dû négocier des heures avec Colbert , afin que celui-ci soit d'accord d'organiser une soirée de jeux. Autant dire que ce fut pire qu'une guerre mais Louis en sortit vainqueur comme à son habitude. Il se trouvait qu'il pouvait être très convainquant quand il le voulait. Il avait absolument tout prévu pour cette soirée. Du vin qui coulerait à flot, de la nourriture qui serait inépuisable . La soirée avait vraiment très bien commencé. Louis avait fait une entrée spectaculaire comme à son habitude. Il avait ensuite été rejoint par sa Favorite qui était absolument magnifique. Tout le monde avait répondu présent à l'invitation Royale. La partie avait assez mal commencé pour sa Favorite, ce qui ne plût pas forcément à Louis. Colbert ne cessait de soupirer lorsqu'une somme énorme manquait à l'appel. Louis pouvait se détendre mais pas lorsqu'elle perdait , car il savait qu'il allait devoir parler avec Colbert et une dispute risquait encore d'éclater entre les deux hommes. Enfin, dispute façon de parler bien entendu, car ils s'entendaient très bien.*

* Louis sursautait de temps à autre en essayant de rester quand même discret, car il se trouve que sa Favorite avait une main très baladeuse, voire même un peu trop. Le roi répondait aux coups d'oeil complices de Lauzun. Louis regarda le jeu de sa Favorite et se pencha vers son oreille afin de lui chuchoter quelque chose que seulement elle pourrait entendre. *

- Je ne vous le conseille pas. Vous risquez encore de perdre. Passez votre tour, votre jeu n'est pas assez bon.

* Il se redressa et but une gorgée de vin à son tour. Il était parfaitement détendu, tant l'ambiance était excellente. Il y aurait eu quelques temps, il n'aurait pas pu boire sa coupe sans réfléchir. Il aurait demandé à ce qu'on la boive avant lui. Mais pas ce soir. Tout était redevenu normal. Il serra la main de sa Favorite lorsque Lauzun s'adressa à elle, et lui fit un large sourire. Il ne l'aurait pas bien prit du tout, si une autre personne l'avait dit. Mais Lauzin faisait exception car Louis l'appréciait. Il sentait cependant que ce cher Lauzun trichait un peu, il connaissait bien aussi le phénomène mais attendit un peu. Il était loin d'être dupe.*

* Athénaïs pencha la tête de coté de façon à entendre ce que Louis lui disait tout bas, sans sourcillier ni afficher une quelconque expression qui pourrait trahir ce qu'il venait de lui dire. Mais Lauzun semblait moins en veine que l'heure précédante, et la marquise avait dissimulé un As de Coeur derrière une autre carte, sachant que son voisin de gauche tentait discrètement de lorgner sur son jeu. Cette carte lui conférait un jeu imbattable pour cette levée. Elle fit mine de renoncer, puis, simulant un coup de bluff, ou de folie, elle relança la mise. Louis s'apprêtait surement à émettre un grognement de mécontentement, aussi Athénaïs joua-t-elle de sa main baladeuse cachée sous la table afin de le faire taire. Elle lança un regard significatif à Lauzun. *

-Eh bien mon ami, nous verrons. La curiosité est bien l'un de mes principaux défauts... dit-elle en misant quelques jetons de sa main droite qui avait reparu comme par magie sur la table, sans pour autant sourire.

* Chalais, qui semblait en effet bien chanceux ce soir-là, aurait probablement un jeu qui lui permettrait de suivre. Mais Athénaïs était absolument certaine de gagner à cette partie. Elle regarda Chalais qui allait annoncer son choix, sous le regard subjugué des courtisans spectateurs de la partie. En attendant que celui-ci ne s'exprime, Athénaïs posa nonchalament sa tête sur l'épaule de Louis, chose qu'elle savait pourvoir se permettre, et que même la reine ne faisait pas. Mais elle était favorite, et bénéficiait de l'Amour et l'affection de Louis, ce que peu pouvait se vanter d'avoir, aussi ne se privait-elle pas de l'afficher publiquement. Puisque ses deux mains étaient sur la table, attendant la suite du jeu, la marquise déchaussa discrètement son pied droit et le fit remonter lentement le long du mollet de Louis, effectuant de sensuelles petites caresses qu'elle savait qu'il apprécierait. Il apprécierait d'autant plus quand il verrait la totalité de son jeu, car là, il devait déjà pensé aux sommes exorbitantes qu'il devrait rembourser et au sermon que Colbert lui ferait au sortir de la soirée. Mais toutes ces choses n'auraient pas lieu d'être, du moins pas pour cette partie-là...*

Lors de leur balade dans les jardins, Gabrielle promit au Roy de se rendre à son prochain divertissement. Ce qu’elle fit, avec un peu de retard. En effet, la partie de cartes avait déjà débuté lorsqu’elle fit son entrée dans le salon. Le Roy était en plein jeu, Athénaïs semblait faussement concentrée – du moins pas sur les cartes – et Lauzun affichait un air amusé. Les festivités étaient donc bien lancées … au grand damne de Colbert, qui devait déjà pâlir à l’idée des sommes astronomiques que le trésor rembourserait à sa soeur !
La marquise avait revêtu pour l’occasion une robe bleue assez simple en apparence mais dont le soyeux drapé, les plissés et les dentelles perlées lui conféraient un aspect assez élégant. Sa nostalgie du moment l’avait poussé à porter de nouveau les perles offertes par son mari lors de leur mariage. De bonne humeur, elle entra dans la pièce et salua les courtisans déjà présents, du moins, ceux qui daignaient relever la tête ou la détourner des jeux.
Puis, elle se dirigea discrètement vers la table du Roy. Elle salua les joueurs d’une révérence sans trop oser rompre le silence de leur concentration.

-Bien le bonsoir, votre Majesté, et vous autres joueurs !

Elle afficha un petit sourire malicieux en direction de sa sœur, qui lui répondit de même !

- Chez vous la curiosité, marquise, est un bien charmant défaut, si Sa Majesté me permet de le souligner.

Lauzun avait un ensemble de stratagèmes bien à lui pour tricher au jeu. Les domestiques qui servaient à boire aux joueurs offraient entre autres de précieux complices, et fournissaient des informations selon des codes convenus fort discrets. Et parmi les personnes groupées autour de la table s'en trouvaient de fort habiles à ramasser les cartes qu'il laissait discrètement tomber pour les remplacer par d'autres dissimulées dans les artifices de son habit... Pour l'heure, il souhaitait continuer à perdre. La marquise misait, mais cela ne signifiait pas pour autant qu'elle avait du jeu. Le Roy était garant de la cassette de Mme de Montespan, tout comme la Grande Mademoiselle l'était de celle de Lauzun. Aussi tous deux n'avaient-ils que faire des sommes perdues ou gagnées, pourvu que l'on se divertisse.

- Le bonsoir, Mme de Thianges, répondit-il lorsqu'elle les salua en arrivant. Peut-être votre présence fera-t-elle revenir la fortune à nos côtés...

Le comte, voyant que les deux mains de la marquise se trouvaient à présent sur la table, comprit fort bien ce qui se passait dessous. D'humeur taquine, il étendit donc les jambes sous la table, ce qui eut pour effet de soulever assez brusquement celle de Mme de Montespan sans toutefois que l'audience ne s'en aperçoive. Il eut peine à dissimuler son amusement et demanda un autre verre. On attendait toujours la décision de monsieur de Chalais.

* Amusé par l'attention de Lauzun, Louis en rit quelques secondes et lui répondit avec un sourire pétillant, avec un signe de tête.*

- Mais je vous le permets, mon ami.

* Louis sourit, oui il le permettait car il fallait bien avouer que ce cher Lauzun était une personne que Louis appréciait particulièrement. Il était satisfait des personnes qu'il avait fait venir à sa table. Il vit la soeur de la marquise de Montespan arriver et la salua d'un signe de tête et d'un sourire. Mais il perdit vite son sourire en pensant à l'argent qui avait déjà était perdu. Il ne se doutait pas que ce cher Lauzun était en train de tricher. Il fallait quand même qu'il soit pris la main dans le sac. Mais ce cher Comte était très malin. Louis ne remarqua pas le coup que Lauzun avait donné sous la table en toute discrétion. Il avait bien l'intention de le plumer. Il n'y avait que des hommes à cette table, excepté la favorite, et il fallait qu'il les écrase tous, par principe. Il tira une carte et sourit. Il n'avait pas un jeu merveilleux, mais sachant que la marquise en avait un assez inégalable, étant donné qu'il l'avait vu, bien sûr sans le faire exprès, il fallait qu'il donne l'impression que c'était lui qui gagnerait cette main. Manière de bluffer et de ne pas l'attention sur Athénaïs. Après tout, ils avaient la même caisse... Colbert ne pourrait rien dire s'ils finissaient sur un succès.*

Dans la réponse de Sa Majesté, Lauzun vit un encouragement à poursuivre ses pitreries. On était là pour se divertir, et il entendait ne céder à personne ce rôle qu'il affectionnait et qui avait fait son succès. En courtisan averti, le comte avait compris que le Roy commençait à lire dans son petit manège. Lauzun connaissait le Roy, mais le Roy connaissait aussi Lauzun. Entre eux s'était établie une connivence qui ne pouvait dire son nom en raison des convenances, au point d'ailleurs que parfois le comte se laissait entraîner trop loin sous l'impulsion du moment. Antonin regarda son souverain droit dans les yeux un bref instant, avec un sourire complice, et laissa dépasser furtivement de sa manchette aux opulentes dentelles une carte qu'il y cachait. Seul le souverain, de là où il était, pouvait la remarquer à coup sûr.

- Savez-vous, chers amis, qu'il se dit que les meilleures familles de Venise sont prêtes à s'éteindre tant il y a parmi leurs rejetons de "chevaliers de la manchette" ?! , lança-t-il en éclatant de rire. Pardon pour les chevaliers ici présents !

Et la carte disparut aussi vite qu'elle était apparue dans le flot vaporeux. S'il plaisait au Roy, Lauzun avait ainsi laissé entendre à Sa Majesté qu'il consentait à voir sa tricherie démasquée ; qu'il avait en tête quelque effet, si tel était le cas, pour ajouter un peu de piquant à la soirée. Si le Roy se faisait complice silencieux et fermait les yeux, Lauzun s'efforcerait de faire en sorte que la marquise prenne l'avantage. Ainsi Colbert soufflerait-il un peu, avant que d'avoir de nouvelles sueurs... Il apparaissait pour l'instant que le Roy entendait reprendre la main. Naturel, puisqu'il était souverain en son royaume. Lauzun continuerait donc de tricher pour perdre. Il laissa négligemment son jeu offert aux regards de Mme de Montespan, sans toutefois que ce soit de façon trop ostensible, bien entendu. Quant à Chalais, il semblait ailleurs et ne réagissait toujours pas.

- Hé bien, s'écria Lauzun, bien décidé à faire le spectacle, ce qu'on attendait de lui. Il semblerait que monsieur de Chalais se soit endormi ! A moins qu'il ne se trouve victime de quelque sortilège en jupons qui accapare toute son attention !

La plaisanterie était quelque peu osée en ces temps où la rumeur enflait concernant les affaires occultes. D'ailleurs, nul n'osait parler de ce genre de choses en présence de Sa Majesté ou de la favorite. Mais le double sens, meilleur allié du courtisan, ménageait les susceptibilités et les sensibilités. Chacun comprendrait l'allusion, mais sans rien en laisser paraître. Car quiconque montrerait quelque signe de nervosité prendrait le risque de se voir suspecter, et son nom ajouter à la liste de ceux qui se murmuraient dans les antichambres. Voilà un autre jeu qui divertissait fort le comte : lancer une perche hérissée d'épines acérées, et voir comment chacun s'en sortirait pour esquiver... Nul doute que la favorite autant que le Roy se divertiraient de telle manigance courtisane.

HJ: on va peut-être laisser Chalais répondre le pauvre ^^

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