On empoisonne la Reine !!!

La marquise de Montespan se leva, ou plutot se fit réveiller par ses bonnes, comme à l'accoutumée, fort tôt en cette matinée afin de se préparer à prendre son service chez la Reine. Comme chaque jour, elle avait choisi une toilette de jour, avec les agréments qui l'accompagnaient, bijoux, éventails, coiffes,chaussures, et s'était faite préparer soigneusement, coiffée, maquillée. Quand enfin tout cela fut fait, au bout de deux longues, Athénaïs sortit de son appartement, laissant ses femmes de chambre à leurs tâches, afin de se rendre chez la Reine. Le petit levé avait déjà eu lieu, comme chaque jour, en compagnie de la Comtesse de Soissons et des Princesses de la Cour, puis le Grand levé au cours duquel les autres dames d'atour faisaient leur entrée.

Elles entrèrent donc, effectuant les révérences d'usage, chacune se postant de part et d'autre de la Reine, attendant qu'elle donne des directives selon ses souhaits. Elle demanda à l'une des princesses de la Cour son verre d'eau habituel. Mais après quelques instants, la Reine pâlit et demanda à ce qu'on prévienne un médecin. Là, toutes les dames se regardèrent, l'inquiétude se voyait dans leurs yeux. Un attentat contre la reine? Etait-ce possible? Ou tout simplement un petit malaise? Quoi qu'il en soit, le fait que la Reine soit souffrante était quelque chose d'inquiétant. Athénaïs se mordit la lèvre. La Comtesse donna les instruction à la Duchesse de Richelieu afin de faire quérir le médecin de Sa Majesté. La marquise et les autres dames restaient auprès de la Reine, la regardant, cherchant que faire pour l'aider. De toutes façons, Sa Majesté ne se privera pas de demander ce qu'elle souhaite, il n'y avait qu'à attendre les ordres.

Le temps parut bien long avant que le médecin n'arrive, même si en réalité quelques minutes seulement s'étaient écoulées. Et chacun avait sans doutes ses pensées qui fusaient en tous sens. Athénaïs se demanda si quelqu'un avait cherché à empoisonner la Reine, ainsi les autres empoisonnements qui avaient eu lieu à la Cour avaient peut-être servi d'avertissement? Mais pourtant, la vigilence était d'autant plus accrue dans la maison de la Reine, étant donné son statut. Comment une choses pareille était-elle possible? De toute évidence, cette hypothèse dramatique semblait peu probable. Le plus plausible serait que la reine ait fait une indigestion. Mais avec tous les événements qui s'étaient produits, les scenarii les plus terrifiants passaient par la tête de tout un chacun. Il n'y avait plus qu'à attendre le diagnostique du médecin afin d'être fixé. Athénaïs pria mentalement pour la Reine ne périsse pas et pour qu'elle en réchappe saine et sauve. S'il s'avérait qu'elle avait été empoisonnée et que par malheur elle ne décède, les premières accusations viendraient sans doute sur elle. Bien sûr, les personnes plus ou moins sensées réfuteraient cette théorie, car elle n'aurait effectivement aucun intérêt à ce que la Reine passe l'arme à gauche, mais tous ceux qui n'aimaient pas la marquise, à savoir beaucoup de monde, ne se priveraient pas d'entacher sa réputation en disant qu'elle cherchait à prendre sa place. Pourtant, Athénaïs ne cherchait pas à être la Reine de France, elle était déjà Reine de la Cour et régnait sur le coeur du Roy, elle ne demandait rien de plus.

Athénaïs suivait avec attention tout ce qui se passait. C'était à n'y rien comprendre, comment quelqu'un avait-il pu empoisonner la Reine alors que tout ce qui la concernait était toujours si bien surveillé? Elle vit Olympe se diriger vers la porte et la fermer à clé aussitot après que la Duchesse de Richelieu soit partie quérir le médecin. Toutes les dames semblaient paniquées par ce qui se passait, et l'annonce d'Olympe qui disait qu'on avait tenté d'empoisonner la Reine, n'arrangea rien. Là on pouvait entendre des interjections et des soupirs de peur. Un silence se fit, et la Comtesse de Soissons continua à jouer les détectives, annonçant avec une certitude infaillible que l'assassin, du moins la personne qui avait tenté d'empoisonner la reine, était dans la pièce, et qu'elle laisserait les portes fermées à clé jusqu'à ce que son identité soit connue.

-Mon dieu Madame, ne parlez pas ainsi, la Reine n'est pas décédée, le médecin va arriver...

Il ne fallait pas que la Reine trépasse, Dieu non! Quelques dames, les plus bigotes, se signèrent. Athénaïs tâchait de garder son calme, mais la chose n'était pas aisée quand toutes les autres dames gloussaient, chuchotaient, couinaient et pleuraient. Elle vit olympe s'approcher d'elle et lui murmurer quelque chose. elle lui répondit aussi bas qu'elle.

-Mais enfin, pourquoi mentirai-je? Je n'ai rien à voir avec cela!

Qu'est-ce qu'Olympe insinuait avec de tels propos? "Ne me faites pas tomber par vos mensonges"... Cette phrase résonnait dans la tête de la marquise qui, malgré le tumulte des événement, tentait de se concentrer. Elle la regarda d'un air décontenancé. Il lui fallu un moment avant de revenir à la réalité.
Elle accompagna Olympe au chevet de la Reine afin de voir comment elle se portait. Pourvu que la duchesse de Richelieu revienne vite avec le médecin de la reine....

* Olympe croyait sans doute qu'Athénaïs ne comprenait pas son petit jeu, mais elle comprenait très bien au contraire. D'ailleurs elle n'était pas contre le fait de faire mener des enquêtes bien, au contraire, mais ce qu'elle n'aimait pas, c'était le fait d' "enterrer" les gens avant leur mort. Là, olympe se conduisait comme si la reine était déjà dans l'autre monde et qu'il fallait trouver qui était coupable d'assassinat. Alors que pour l'heure, on n'avait la certitude de rien! Peut-êtr esouffrait-elle seulement d'une crise de foie, avec tout ce qu'elle avalait ! Aussi, la marquise répondit-elle sereinement à son amie. *

-Mais madame, c'est tout à votre honneur de prendre ainsi les choses en main, et je vous y encourage vivement, mais de grâce occupons-nous en premier lieu du bien-être de Sa Majesté.

* Toutes deux s'étaient à présent approchées de la Reine qui semblait tordue de douleur. Athénaïs se mordit la lèvre de la voir ainsi. Quel malheur! Pourquoi fallait-il que ce genre de choses arrivent ?!*

Pourvu qu'Olympe se soit trompée et qu'elle n'ait rien de grave.

* La favorite se tourna vers la surintendante de la chambre de la Reine et lui répondit dans un murmure.*

-Je crois surtout que toute personne douée de raison saurait que je n'aurais rien à gagner dans une telle entreprise car je serai bien évidemment la première à être accusée. Je n'ai pas pour objectif de prendre la place de Sa Majesté, que je n'envie point du tout, et le Roy le sait.

* Le ton de sa voit était un peu exaspéré. Bien entendu qu'elle savait qu'elle serait la première montrée du doigt. Et pourtant, comme elle venait de le dire, ce serait totalement illogique et stupide de sa part de s'en prendre à la Reine ! La favorite était loin d'être aussi bête. Elle échangea un dernier regard avec Olympe, puis regarda l'assistance qui semblait retenir son souffle, avant de reposer ses yeux sur la Reine. Le médecin soudain arriva, on entendait des pas pressés derrière la porte, que l'on essaya d'ouvrir en vain, puisqu'elle avait été fermée à clé par Olympe. La voix de la Duchesse de Richelieu se fit alors entendre.*

-Ouvrez, de grâce ouvrez, Mr Patin est là !

* Athénaïs sentit soudain son coeur s'alléger. Le médecin était là, sans doute que tout s'arrangerait vite, il trouverait de quoi souffrait la Reine, il parviendrait à la soigner et tout rentrerait dans l'ordre... Du mois c'était ce qu'elle espérait. Elle se passerait bien d'émotions supplémentaires... Elle regarda la Comtesse de Soissons qui sans doute allait s'empresser d'aller ouvrir au médecin afin qu'il ausculte Sa Majesté au plus vite.*

Mme de Ludres s'était mise en retard, ce matin-là, pour prendre son service au près de Sa Majesté la Reine. Elle avait pressé sa femme de chambre pour s'habiller et tenté de gagner au plus tôt les appartements royaux, afin d'éviter ce qui ne manquerait pas d'alimenter les commérages. Hélas, quand elle était parvenue aux dits appartements, on prétendit lui en interdire l'accès. Quelques temps auparavant, comme d'autres dames de la Reine, elle avait été mordue par une petite chienne avec laquelle on se divertissait.

- Ladite chienne est morte hier, madame ! Elle était enragée. D'ici à ce que les médecins de Leurs Majestés aient prescrit quelle cure vous devra être appliquée, vous ne pouvez entrer en ces lieux.

La chanoinesse crut défaillir : la chienne qui l'avait mordue, enragée ?! Une cure ?! Elle n'entendait pas qu'on l'empêche d'accomplir les devoirs de sa charge, à moins que Sa Majesté elle-même, ou la Surintendante, ne lui fassent savoir en personne que les appartements lui seraient fermés jusqu'à nouvel ordre. Aussi élevait-elle le ton en rappelant son rang, mais en vain. La journée commençait fort mal ! Qu'on lui donne au moins la possibilité de parler à la comtesse de Soissons...

- Qu'importe cette histoire de chienne ! , s'écria-t-elle, décidée à ne pas lâcher l'affaire. Prenez garde que je ne m'en aille plaindre à Sa Majesté ! Faites prévenir Mme la Comtesse de Soissons que je sache ce dont il retourne ! On ne tient pas ainsi une porte fermée à l'une des dames les plus en vue de Lorraine, figurez-vous !

Soudain, elle vit arriver le médecin, qui semblait se hâter fort. Par Dieu, pourvu que rien de fâcheux ne soit advenu ! Elle se signa nerveusement... C'était cependant l'occasion de se glisser derrière lui et de passer ce barrage qu'on lui opposait.

HJ: salope ! Twisted Evil

* Athénaïs regarda Olympe sans rien répondre. Ses paroles la glaçaient littéralement, mais elle se garda bien de laisser paraitre quoi que ce soit. Lorsqu'enfin elle alla ouvrir aux médecins et qu'elle lui demanda de surveiller les portes des domestiques, la marquise de Montespan hocha la tête et jeta des coups d'oeils attentifs aux-dites portes, tout en restant au chevet de la Reine. Elle lui prit d'ailleurs la main pour la rassurer en voyant Mr Patin et les autres médecins entrer. Elle lui murmura alors quelque phrase rassurante.*

-Vous êtes sauvée, Majesté, voici vos médecins.

* Alors que ceux-ci approchaient, Athénaïs s'écarta du lit afin de mieux les laisser approcher la Reine et l'ausculter. C'est là qu'elle vit Isabelle de Ludres entrer après avoir échanger quelques mots avec la Comtesse de Soissons. Pourquoi donc était-elle en retard à ce point? Finalement, les souçons porteraient peut-être sur elle. La chanoinesse n'était jamais en retard au levé de la reine, d'ailleurs personne ne l'était! Et comme de par hasard, elle l'était en ce jour, celui où Sa Majesté avait failli trépasser: voilà une piste qu'il faudrait peut-être creuser...
Pour l'heure, Athénaïs était rassurée de savoir la Reine entre de bonnes mains. Même si elle n'aimait que peu les médecins, ceux affectés au service de la famille royale était bien choisis, du moins tous le croyaient et l'espéraient, et par conséquent elle était quasiment sure que Marie-Thérèse irait mieux. Elle priait intérieurement pour cela, en tous cas. Instinctivement, elle se rapprocha de la surintendante et de la chanoinesse. *

-Où donc étiez-vous? adressa-t-elle à mi-voix à Isabelle.

* Inquiète tout de même, elle ne quittait pas des yeux le lit de la Reine. A vrai dire, les yeux de toutes les personnes présentes dans la pièce était rivés sur la souveraine qui gémissait de douleur. Bien entendu, Athénaïs n'avait rien remarqué de suspect chez Olympe, si ce n'était ses paroles étranges mais qui pouvaient être dictées par la crainte de voir sa Reine mourir. Jamais elle ne se serait doutée qu'elle bouillonnait intérieurement d'avoir raté la funeste mission qu'elle avait entreprise la nuit précédante.
Elle attendait avec impatience le verdict des médecins. Elle voulait entendre que tout irait bien, que la reine était hors de danger et qu'il n'y avait plus lieu de s'inquiéter. Mais que le temps paraissait long! Et si Olympe avait raison, si la thèse de l'empoisonnement se voyait vérifiée, et que faute de coupable, on l'accusait, elle? ou même elles deux! Pourquoi pas! C'en serait fini de leur réputation! Peut-être même que le Roy y croirait, s'il était suffisamment bien manipulé. qu'adviendrait-il alors de leurs personnes?*

Isabelle de Ludres fut soulagée lorsque la Surintendante la fit entrer, jetant au passage un regard dédaigneux aux cerbères qui lui avaient interdit l'accès à la chambre de la Reine. Elle fit sa révérence à Mme de Soissons et lui rendit son sourire. Ce qu'elle lui annonçait était terrible.

- Il n'y a point de mal, madame, répondit-elle en se relevant, je suis fort aise moi-même de vous retrouver enfin. Seigneur, la pauvre femme ! Etes-vous certaine que ce n'est point un simple malaise dû aux excès de bouche de Sa Majesté ? Il me semble qu'hier au soir elle a quelque peu abusé de quelques friandises après s'être retirée dans ses appartements... Mais je suppose que vous connaissez votre affaire, chère amie. Dieu veuille cependant que vous vous trompiez ! Je ne suis point encore consolée de la disparition si soudaine de Madame... Et je me doute, très chère, combien vous êtes en émoi. Mme de Montespan... Elle est certes intriguante, mais de là à... Ciel, que ces maudits médecins nous éclairent au plus vite sur ce qui survient là !

Elle suivit la Surintendante près du lit de la Reine et, bien que celle-ci fut inconsciente, adressa à la souveraine la révérence d'usage. Elle fit un signe aux autres filles d'honneur de la Reine, mais ne put s'empêcher d'adresser un regard de reproche à Melle de Théobon, eu égard à sa maudite chienne... Mme de Montespan ne tarda pas à les rejoindre près de la couche royale, et lui murmura quelques mots lui demandant de s'expliquer sur son retard. Rien n'échappait à la vigilance de la marquise...

- On ne me voulait laisser entrer, répondit-elle en murmurant elle aussi, légèrement penchée vers la favorite. Pour cause que...

Soudain la Reine sembla avoir un sursaut de vie, rouvrit les yeux et se mit affolée à demander que l'on éloigne ses filles d'honneur, Mme de Ludres et Melles de Coëtlogon et de Rouvroy, car elles pouvaient avoir la rage à cause des morsures de la chienne de Melle de Théobon. Ce fut la stupeur dans l'assistance, et la Reine retomba évanouie.

- ... pour la cause que vient de dire Sa Majesté, poursuivit la chanoinesse, stupéfaite et ne sachant que faire. Dieu maudisse cet animal, et cette sotte de Théobon !

Mme de Ludres, en fière Lorraine, préférait prendre les devants plutôt que de se laisser chasser. Tandis que les autres filles d'honneur tremblaient de frayeur, elle se retourna vers le lit de la souveraine et vers la Surintendante.

- S'il plaît à Sa Majesté que nous nous retirions, fit-elle en s'inclinant respectueusement, mais avec dans le regard une pointe de défi envers quiconque d'autre que la Reine oserait un mot de trop. Mme de Soissons, je crois inutile de contrarier la Reine dans son état. Permettez que mes compagnes et moi nous retirions donc, si telle est sa volonté et si vous le jugez préférable. Je me tiens à la disposition des médecins pour tirer au clair cette affaire de chienne enragée...

Elle attendit le verdict sans grand plaisir. Elle savait pertinemment ce que signifierait un soupçon de rage : on les obligerait à prendre un bain de mer, ce qui la terrifiait, outre qu'elle devrait s'absenter de la Cour...